jeudi 11 octobre 2007

12 ~ NENE : A volonté

La politique salariale de Néné
C'est "à volonté".
De quoi avoir le sentiment malsain
D'être un carpaccio de bistrot romain.

Néné veut consommer le salarié
Autant que ça lui plaît.
Je vais développer l'analogie
Pour bien mettre les points sur les i.

Pour le bas prix d'un menu
Il te consomme
Jusqu'à ce que son estomac signifie le refus.
Il te goûte, te sale, te poivre, te bouffe
Avant même que t'es pu dire "ouf".
Et de demander : "une autre assiette s'il vous plaît !"
L'autre assiette, c'est ta première heure supplémentaire de la semaine.
Pour raison de service.

"Serveur, assiette !"
Quel appétit Néné,
T'as la panse en transe, on dirait !
Et là c'est tes vacances qui sautent.
Pas le premier lundi ou le vendredi final
Non, non, juste le mercredi central.
Je peux refuser ?
Néné se gondole : "t'as déjà vu un bœuf autorisé à reculer pour pas qu'il soit tranché ?
J'ai pas le choix donc, juste par solidarité avec le bovidé.

"Assiette !"
Le serveur se lasse et Néné s'agace.
Fin de la politesse,
Et que le flux de viande jamais ne cesse.

"Assiette !"
"Assiette !"
Néné s'emballe :
"Donnez m'en deux, ça ira plus vite
Vu que vous êtes pas du genre qui s'agite."
Le serveur balance 2 assiettes de cru
Et pour moi ça veut dire que c'est tout vu,
Le pont du 1er mai je peux m'asseoir dessus.

La viande rouge excite le prédateur
Néné perd toute pudeur.
Il déboutonne son col de chemise, desserre sa ceinture en skaï
Et continue sa ripaille.

Du bœuf émincé,
Encore, encore,
De l'assistante esclavagisée,
Encore, encore.

Bœuf et petite meuf presque le même combat
Pour 17 euros les X assiettes, on le bute,
Moi, c'est pour 8,44 euros de l'heure bruts.

Alors moi l'assistante
Arrivée au dessert
Après tant d'années de dévouement, d'efforts
Je suis épuisée, j'ai les nerfs.
Et pas à tort.
J'ai tout donné, fait toutes les concessions
Néné m'a dévorée sans modération.
Et la peau sur les os,
Je prends enfin 2 jours de repos.

Pendant ces courts congés suppliés
Je me ressource en campagne isolée.
De la fenêtre je vois un animal.
Charolais ou pas j'y connais rien
Mais son regard ressemble au mien.
Une envie de vengeance
Que je connais bien.

Est-ce un rêve ?
Je l'entends qui me dit
De me saisir du fusil
Et de la hâcheuse aiguisée
Pour faire un tartare à la viande de Néné.

Est-ce un rêve ?
Je le fais,
Prenant soin d'épargner la tête.
Pour pouvoir l'empailler.

Est-ce un rêve ?
Le bœuf et moi
On a trouvé ça drôle de l'envoyer au serveur du bistrot.
Partisan de notre lutte désespérée,
Il l'a accrochée dans la salle du resto.
Du pur design !
Entre les faux tableaux Renaissance italienne
Et la pacotille en dorure
La bobine de Néné semble surgir du mur.

Est-ce un rêve ?
Oui.
Faut nous excuser, le serveur, le bœuf et moi
On en a marre.

Marre de Néné
Marre d'être coupé, rompu, tranché, cassé.

Simplement marre.
Marre de ce cauchemar.

Et on a trouvé ça
Simplement marrant.
Marrant de faire semblant.




[Fais pas la tête Néné ! ;-)]





Pour la peine, une recette de carpaccio végétarien :

mercredi 12 septembre 2007

11 ~ NENE : Le vahiné

C'était le mois d'août, j'étais en congé. Bien mérité. Allongée, allanguie, huilée sur une plage océane. Tranquille, avec pour seule compagne une méduse agonisante probablement pêchée par des enfants et larguée sur le sable. Silencieuse compagne, idéale. Je me sentais loin de tout, du quotidien, de tout lien. Juste un souffle, juste les vagues, juste ce bruit régulier qui fait oublier le ronron chaud qui sent la poussière des macs et de l'imprimante. Là-bas, ça ne captait pas, risquait pas d'entendre sonner un nokia. Allongée, allanguie, huilée, je lisais mon ELLE, j'avais le droit d'avoir sommeil. Le soleil était chaud, la marée descendait, ça sentait la dune. J'étais bien, à plat ventre sur ma natte, l'oeil clos. Je voulais rester là-bas pour toujours. Devenir un coquillage, ne plus me poser de questions plus qu'un crabe ne le fait, être une puce de sable légère et ivre de liberté.
Soudain un frisson me parcourut, comme une appréhension animale. Y'avait du danger. C'est ridicule, je me disais. J'étais tellement bien, j'avais pas envie d'être interrompue. Si j'ouvrais l'oeil pour voir ce qu'il y avait, j'allais perdre la torpeur qui m'habitait. Mais la chair de poule gagnait et faisait la ola sur mon corps. Je m'étonnais : "Mince alors, j'ai froid ou quoi ?" Mon coeur battait à 100 à l'heure. Comme si j'avais peur. Je me résolus à me retourner. Je vis alors entre le soleil et moi un cul qui me faisait de l'ombre. Masculin et portant en dépit d'un âge certain un string minimaliste. Le cul était debout, mains sur les hanches, les jambes bien plantées dans le sable et écartées à tel point que pour tout panomara - contre-jour oblige - j'avais pleine vue sur ses attributs. Le cul regardait l'horizon et semblait n'avoir pas eu d'autre idée que de venir l'admirer à 3 mètres de ma serviette. Je toussai. Pas de réaction. Je retoussai. Rien. "Ma parole, ce cul est sourd !" Je tentai un "s'il vous plaît ?". Et là le cul se retourna et répondit sèchement : "quoi ?" Est-ce la chaleur, mes verres fumés ou le demi-sommeil, j'ai cru alors voir... Je jetai mes lunettes et clignai. Le cul se mit alors à rire. Le frisson me revint, cette sensation de péril imminent... Pourquoi n'avais-je pas continué à dormir ? Mon instinct m'avait pourtant prévenu que l'impensable allait se produire : pur hasard et comble de guigne, Néné avait choisi la même plage que moi. A 600 bornes du bureau, il avait fallu que je le retrouve là, que je me retrouve face à lui. Ou dos à lui plutôt. Non seulement je supportais sa tête à longueur d'années, mais encore fallait-il que je vois son cul ridé pendant mes congés. Et ledit cul de se mettre à plaisanter de cette coïncidence incroyable qui si-ça-se-pouvait aller nous rapprocher. Puis il me balança, l'oeil lubrique, : "sympa ton bikini !" Tout occupé qu'il était à me mater, il avançait. Je ne fis rien pour le repousser, au contraire, je lui sourit pour l'attirer. Ca vous étonne ? Vous allez comprendre. J'étais là, un brin tétanisée, riant par devant, rassemblant mes affaires par derrière. Il ne s'est pas méfié, tout occupé qu'il était - aussi - à se figurer que ce soir il allait peut-être me sauter. Plus qu'un mètre. Néné touchait au but. Et paf ! Droit sur la méduse échouée ! Néné hurla, s'effondra, se panant dans le sable en se tenant le pied. Offrant en prime aux badauds qui venaient voir ce qu'il se passait le spectacle d'un string qui baillait. D'où, sans doute, le peu de compassion apparente et les sourires à peine discrets du public qui ne s'est pas hâté pour lui indiquer le poste de secours. Pendant ce temps-là, j'ai filé.
Le soir même, je posai mes bagages dans un bungalow retiré, loué à la hâte dans un minuscule village du pays basque espagnol. Choix de coeur... et calculateur : je misais sur le fait que les lacunes linguistiques de Néné seraient le frein nécessaire pour ne pas le voir franchir la frontière. Dans le camping ce soir-là, c'était soirée "ELECTION MISTER ETE". Sur l'affiche, un bodybuildé pleine de dents blanches et à peine vêtu. Mais dans la réalité, qui serait-il ? Par ennui, j'avais envie d'y aller. Mais pensais aussitôt : "faut pas tenter le diable deux fois dans la même journée"... c'est plus raisonnable. Les hommes qui exhibent leur croupion comme les élections, ça m'a pas beaucoup réussi ces derniers temps. Je suis donc restée dans mon bungalow, allongée, allanguie, à rêvasser, à m'interroger : comment garder toute considération pour son patron dont on a vu le fion ? Néné, avait-il espionné mes dizaines d'heures de connexions à la recherche d'une destination de vacances ? si cette rencontre prouvait que Dieu existe, quelqu'un pourrait-il lui dire d'arrêter de se prendre pour meetic ? Pour finir, je m'endormis et me promis de faire un don à une fondation qui oeuvre à la sauvegarde des méduses. Après tout, ça n'est que justice pour m'avoir aidé à transformer Néné-qui-se-prendrait-bien-pour-mister-été en un ridicule-monsieur-string-médusé.




jeudi 14 juin 2007

4 * animisme à marseille > LA STATUE QUI DENONCAIT L'IMPOSTURE

Ses bras. Si elle les avait écartés, tout aurait changé. Sa taille. Si elle avait fait 29 mètres de plus, on aurait pu rivaliser. Son attitude. Si elle avait mimé quelques mouvements même discrets, le pari était gagné. Mais voilà, elle, tout ce qu'elle voulait c'était aérer son minot et contempler l'horizon. Certes, elle est jolie, brillante, propre sur elle, bonne mère apparemment. Mais pas assez glamour, statique, trop bobonne finalement. Toutes les études de consommation le montre, au sein du ménage c'est la femme qui est prescriptrice en matière de destination touristique. Alors tout rapide qu'il soit le TGV ne suffit pas. Parce que la femme quand elle part en vacances, exprimera-t-elle le souhait de venir visiter cette allégorie de la femme au foyer ? Evidemment, y'a plus tentant. Exemple. Un homme, 38 mètres, imposant, bras ouverts ? Si peu que la passion du couple soit un peu éventée, y'a pas photo, la femme préfèrera ce géant séduisant. Malgré la robe qu'il porte, il ressemble, c'est frappant, à un prof d'aérobic qui mouline pour muscler ses triceps. Même si la femme ne serait pas contre un petit short en lycra pour l'esthète, sa robe finalement entretient un certain mystère... et pour peu que monsieur soit en crise de la quarantaine, lui aussi pourrait avoir envie de fantasmer sur les dessous cachés de la chasuble. Toutes les agences de voyages vous le diront, c'est en partie à cause de ça qu'à l'escale phocéenne, on préfère celle de Rio. Il serait cependant injuste d'incriminer la seule dame qui surplombe. Parce qu'il ne faut pas grand chose, pour que ses bras carrément ils tombent. De désespoir et d'impuissance. Pour Marseille, elle, elle fait ce qu'elle peut, jouant la sage protectrice auprès des supersticieux. Et le chef de tribu de la ville, lui, que fait-il ? Il réfléchit à la question ainsi : si Rio se fait une super publicité, pourquoi pas Marseille ? Les points communs sont nombreux : passion du foot, 2 lignes de métro, criminalité, plages, bidonvilles, pollution. Avec ça, on ferait même une petite nation. Après tout, suffit d'orienter le regard de l'extérieur. Question d'ambassadeurs et d'appelations : marseillais contre cariocas, Prado contre Copacabana, Prophète contre Ipanema, va falloir revoir tout ça. A Marseille, faut lui trouver son Paulo Coehlo traduit en toutes langues, son Pain de Sucre hors boutique, un Corcovado, un peu de pétrole et un Barry Manilow meringuant sur un air de plage... Ca devrait pouvoir se faire un bon coup de cache-misère ! Oh là là, la dame d'en haut hoche la tête. L'est pas d'accord pour qu'on fasse du ménage, à coup forcé de marketing enjoué. Et le chef de tribu de Marseille de lui rétorquer : « Eh faudrait voir à plutôt t'occuper de ton marmot au lieu de venir me faire la morale ! » En disant ça, il avait négligé une chose. Une seule. La pin-up là-haut, elle est pas looké brésilienne mais ça l'empêche pas de penser et de vouloir éviter la dérive. Elle affirme haut et fort de son piédestal : inutile de mentir, inutile de vernir, y'a des choses à Marseille qui ne sont pas belles à voir mais bien réelles. Quoi qu'on fasse, quoi qu'on dise, Marseille restera telle quelle : bordel, bazar, chaos... qui, caché derrière sa bonne conscience de ville "accueillante et ouverte" finit par nier jusqu'à son seuil de pauvreté. La dame est formelle : faut éviter la merchandisation qui brosse le portrait d'une Marseille que nul marseillais ne connaît. Eviter le pire, que cette ville devienne un énorme mensonge qui passe du polish sur la misère ambiante. Le chef de tribu aura beau implorer, la dame ne cesse de tout révéler, c'en est fini de mystifier. Pour attirer le touriste, faudra vraiment se bouger et agir au nom d'un peu d'humanité. Deux monuments-trois rues ravalés ne suffiront plus à tromper le touriste par média interposé. Faudra trouver les moyens d'être à la hauteur de son argument commercial, parce que maintenant tout le monde sait que la Marseille des brochures n'est pas vraie. Pour autant rien n'empêche de venir visiter. Tiens, mais oui quelle bonne idée de visiter la réalité ! Et de s'interroger : Noailles, exotisme ou pauvreté ? Belsunce, Alcazar ou marchands de sommeil ? Gens sur le trottoir, bronzage ou mendicité ? Cours Ju, bobos ou toxicos ? Marseille, populaire ou misère ? A vous de voir. La statue de La Garde, elle dit qu'à tous points de vue ça vaut bien Rio, même sans les biscotos. Argument économique de poids : à voir, c'est gratuit et au final peut-être même que ça enrichit...


Gardez le moral et admirez la prestance ! : Copacabana by Barry Manilow

mardi 12 juin 2007

10 ~ NENE : Proche du peuple

Néné vit à Marseille. Il n'y est pas né, c'est un pur produit d'importation... enfin vraisemblablement plus exporté qu'importé. Un petit cadeau de sa ville d'origine qui ne devait pas savoir quoi faire de ce spécimen, faute de musée. Bref, avant de se lancer dans la question anthropo-sociologique de Néné, voici une mise en bouche via l'étude d'une caractéristique linguistique que tous ceux qui le connaissent ont remarquée. Pour bien se faire entendre, pour bien se faire comprendre auprès du "petit peuple", Néné prend l'accent marseillais. Il a toujours refusé de l'admettre et pourtant c'est ce qu'il fait avec les petits employés, le cafetier, le plombier... en ponctuant savamment le tout de quelques expressions provençales pour faire plus authentique : "Coume vai ? balin-balan ! es un Fènis ! oh ! qu'acò's bèu !"*
L'explication scientifique est simple : son inconscient - qu'il ne faut jamais prendre à la légère - lui souffle que l'ouvrier est populaire et forcément à l'accent chantant. En parlant son langage, Néné prend le parti de se rapprocher de lui et de dépasser le clivage social. Il a le coeur au bord des pauvres et des incultes. L'homme ouvrier, il se met à sa hauteur, il se fait tout petit. Néné lui parle dans son patois, en articulant démesurément pour que l'autochtone-travailleur capte bien. Sauf que Néné n'a pas l'accent, en vrai. Alors ça sonne faux. Sauf que son prolo non plus, en vrai. Alors même si Néné lui parle en marseillais, le prolo, lui, continue de pratiquer le français. Et typiquement, au bout d'un quart de négociation sous-titrée, il se trompe d'accent : un peu de corse, un peu de québecois, parfois même le Néné se met à parler comme Jane B... Finalement, il s'épuise et enfin réalise : vu de loin on dirait que c'est lui le prolo, l'idiot, l'illettré. Seule alternative pour lui alors, rompre le "charme". Pour pas que ça se voit trop, Néné abandonne son accent d'un seul coup et enrobe le tout dans un ton odieux. Rien de tel qu'une enguelade-surprise-by-Néné pour que le poisson soit noyé. Poiscaille dirait-on. Là l'ouvrier hallucine mais tout prolo qu'il est, avec son besoin de bosser, il se tait. Manifeste un peu de mécontentement mais reste poli. Et Néné se sent grand, se sent beau, se sent éduqué, un peu le roi du monde. Le roi qui restera dans l'histoire pour avoir aboli la barrière de la langue. Un roi riche, beau, fort, adulé, avec une belle reine, une cour dévouée, un gros chateau et une immense BMW... faut pas déconner la calèche c'est quand même un peu daté. Et oui, Néné, l'homme de gauche, a des rêves inavoués de monarque endimanché. C'est pour ça qu'il sourit quand il somnole sous le parasol, c'est à ce mirage qu'il songe. Mais il devrait mieux écouter car à n'en pas douter son ménestrel provençal lui murmure à l'oreille : Qu toujour pren e rèn noun douno, A la fin cadun l'abandouno**.






* Comment ça va ? Comme-ci, comme ça ! Oh, comme c'est beau ! C'est un miracle !
**Qui prend toujours et jamais ne donne, à la fin, chacun l'abandonne.

vendredi 1 juin 2007

9 ~ NENE : La radio

Il y a quelques années. En fin de journée. Néné venait de se disputer avec sa maîtresse du moment qui se savait trompée. Il était presque 18h, Néné avait déjà commencé l'apéro dans son bureau, il écoutait la radio. Parfois il écoute Nostalgie espérant entendre son groupe favori, UB40. Ca lui rappelle sa trentaine, les joints, les années 80. Et il beugle dans un épouvantable anglais, imitant à la fois le chanteur, les chœurs, le synthé, le saxo, les percu et la trompette. Dans l'oreille ça produit comme un courant électrique c'est très pénible et très irritant. Pire que les pires candidats exhibés par la TV-radio-crochet. Mais ce jour-là, rien à voir, Néné écoutait une radio pour ménagères, la cible préférée de Néné. Il les écoute pour se moquer d'elles, celles qu'il appelle les mégères, les femmes-foyer, les périmées. A l'antenne, elles ouvrent leur cœur. Moi aussi j'écoute l'émission, dans mon placard, discrètement, en sourdine... sinon Néné me tuerait. Cette heure de récréation c'est d'abord mon moment d'humanité de la journée, j'entends enfin autre chose que Néné.
Mais ce jour-là, c'est Néné que j'ai entendu parlé en direct sur radio-mémé. « Bonjour je m'appelle Néné, j'ai 50 ans dans quelques jours, avec ma copine on s'est disputé, je suis déprimé, parfois j'ai envie d'en finir... » Quel salaud ! Aller solliciter la solidarité quand on insulte les gens à longueur de journée ! Mais il avait vu juste et tapé à la bonne porte. Il avait touché le cœur des auditrices et aussitôt le standard a explosé. Janine proposait une randonnée à dos de poneys, Chantal un cours d'occitan, Anne-Marie une exposition de verre soufflé. Et chacune de lui assurer que tout allait s'améliorer, que sa copine reviendrait, qu'à 50 ans on est plus jeune que jamais. Et vas-y que je te laisse mon numéro hors antenne pour convenir d'un rendez-vous pour se changer les idées. Et Néné de se plaindre, de pleurnicher... Fallait mettre fin à cette mascarde, j'en pouvais plus l'entendre faire sa complainte de l'homme brisé. Alors MOI AUSSI j'ai appelé la radio, parce que MOI AUSSI je voulais parler à Néné. J'avais prévu de le cuisiner sur ses relations amoureuses pour qu'il finisse par avouer son goût prononcé pour l'imposture et l'extra-conjugalité. Une fois découvert, les auditrices le chargeraient, le lapideraient en direct et il pourrait dire adieu à tous les extras qu'on lui avait fait miroiter. Au standard de la radio, on m'a fait patienter. J'étais donc en attente, un peu tremblante, des post-it collés sur le combiné pour brouiller ma voix. De loin, j'entendais la radio de Néné siffler, y'avait des interférences et j'avais peur de me faire griller.
Rien de tel n'est arrivé car Néné a fait d'un seul coup ce qu'il fait de mieux : se couler. Passer à la radio n'empêche pas de boire et Néné avait grand soif. Ballon sur ballon, au bout d'un quart d'heure d'antenne, le vin rouge lui est monté à la tête. Et à Angèle qui lui proposait de venir balader avec elle ses caniches à poil court, il a répondu en se marrant : « j'en ai rien à branler de tes clébards ! » Angèle a failli s'étrangler, l'animatrice était scotchée et moi, dans un mouvement exécuté au ralenti, j'ai reposé doucement le téléphone en souriant... et vite remis mon transistor en marche. Néné ne faillissait à sa nature profonde : il était en train d'insulter en direct toutes les femmes de la Terre... avant d'être coupé. Pendant l'heure qui a suivi, l'antenne a servi de cellule psychologique aux auditrices scandalisées, traumatisées, encore sous le choc. Je me suis rendue compte à quel point je m'étais endurcie ces dernières années, mon seuil de résistance à la Nénétitude avait encore reculé.
Néné a fini sa deuxième bouteille de Bordeaux, avant de s'avachir ivre mort sur son bureau, la tête dans le cendrier. Avant de quitter l'agence ce soir-là, j'ai éteint sa radio et presque malgré moi, j'ai attrapé une garbadine qui trainait, accrochée au porte-manteau depuis une éternité, et l'ai posée sur les épaules de Néné. Décidément, on ne se refait pas. Le lendemain matin, alors que j'arrivais, Néné se réveillait, mal en point et gueule de bois. Il a attrapé la gabardine et l'a jetée par terre en criant : « Pourquoi tu m'as mis cette merde sur le dos, c'est un manteau de gonzesse, bon sang je suis pas un pédé ! » Les larmes aux yeux, je me suis dit qu'une fois encore Néné était chanceux, je n'étais pas armée. Pour autant pas question de laisser passer... alors quand Néné m'a demandé dans la seconde qui suivit si je pouvais aller lui chercher un truc à la pharmacie pour sa tête, j'ai bien pensé l'empoisonner. Je me suis vite reprise et lui ai dit que j'avais ce qu'il lui fallait dans mon sac. Je lui ai tendu 2 pastilles à la menthe qu'il a gobées avec son fond de verre. Confiant. Qui pourrait bien lui vouloir du mal ? Néné a passé sa journée à prendre mes « médicaments », à se croire mourrant tellement il avait mal au front, tellement son mal était résistant.
Moi, j'ai bien bossé. J'avais choisi mes activités et fait dans la perversité. J'ai appelé aol pour un problème technique, france telecom pour une erreur dans la facture et orange pour résilier. Tout ça dans une seule journée pour être sûre de bien énerver Néné... Car évidemment j'ai pris soin de mettre le haut-parleur pour que la lancinante et répétitive musique d'attente résonne puissamment dans la caboche de Néné. Et bien croyez-le ou non, je suis finalement sortie gagnante de cette journée. Et c'est à la longue attente pour la hotline d'un opérateur que je dois d'avoir vu ma vie de bureau changer. Avec la tête qui bourdonne, la cuite au bord du foie, qui supporterait 25 minutes d'extrait de UB40 joué en boucle ? Même pas Néné, pourtant fan des fans. Depuis cet épisode, son groupe préféré, il ne peut plus l'écouter... sinon il a la nausée.
Red red wine...






Toute la jeunesse de Néné...

mercredi 23 mai 2007

8 ~ NENE : La customisation

CUSTOMISER : Adapter des produits à la demande exprimée par chaque client pour les rendre plus conformes aux goûts de celui-ci (= personnaliser).

Un tel concept, Néné ne pouvait pas passer à côté. Non content de le vendre à ses clients, Néné l'a fait sien. Pour lui, la customisation est devenu un art de vivre, une façon de se démarquer, de revendiquer sa singularité (si besoin était). Et s'il est à ce point unique, c'est grâce à ce goût prononcé du "je suis comme je suis et comme je cherche à être, et j'enrichis mon moi-même avec du concept que j'invente moi-même, je suis du moi, plein de moi et je suis désolé pour vous qui ne pourrez jamais être moi". Néné est effectivement unique. Con-issime mais unique. Reconnaissons-lui au moins ça.

Donc, Néné a décidé de devenir un être d'exception, de dépasser ce qu'il était. Purement, simplement, modestement. Il a décidé de partir de sa nature première et de l'optimiser, rien qu'avec une bonne idée. Et pour s'assurer du succès de cette ambitieuse entreprise, Néné n'a pas lésigné. Aux grands bâtisseurs, la postérité ! Alors, il a pensé, je dis bien PENSE, que ce qu'il lui fallait customiser, c'était ses hémisphères. Rien que ça ! Oui, vous avez bien compris : les hémisphères CE RE BRA LES, celles-là même qui auraient dû lui dire à ce moment-là : "c'est débile ce projet !" Dysfonctionnement oblige, le message d'erreur n'ayant pas été expédié à Néné, ce qui fut dit, fut fait. OCC : Opération Cerveau Customisé.

Premier écueil (aisément surmonté par Néné) : customiser, oui, mais avec quoi ? A ce moment-là, le sang qui irrigue l'esprit pubertaire de Néné n'a fait qu'un tour, vite fait. Et la seule réponse possible à cette requête jaillit du neurone de Néné. Braguette ! La voilà la recette : customiser son cervelet avec une braguette ! C'était osé, mais Néné était sûr de lui. Oui, Néné était convaincu d'avoir trouvé l'imparable solution, l'idée de génie, la potion : il devait simplement déplacer son centre de gravité (au sens de "je réfléchis grave"). Tellement évident mais tellement profond. Désormais sa braguette serait le lieu d'inspiration de toute sa spiritualité. Si certains philosophes ont dit : tout est pensée, Néné apporte ainsi sa contribution à l'humanité en proclamant que pour lui le penseur analphabète : tout est braguette.

Et je cite ces quelques situations afin d'éclaircir mon propos :

La braguette de Néné c'est le lieu de sa masculinité : sais-tu, Femme, ce qui se cache derrière ma braguette ? Ton plaisir, ton désir, ton fantasme, si tu savais... Si tu es sage et obéissante, Femme, tu y auras droit, sinon tant pis pour toi. Mal baisée ! Et toi, l'assistante, si tu avais goûté à ce genre de plaisirs -à la pause déjeuner, entre le fax et le scanner- je suis sûr que tu passerais pas tes journées à être si renfrognée. Réfléchis-y, ça te dériderait... Voilà pourquoi Néné voit le harcèlement comme une simple conversation et la branlette comme de la méditation.

La braguette de Néné c'est le lieu de son sens commercial : sais-tu, Concurrent, qui est le mieux membré ? Sais-tu, toi Client que j'arnaque, que je suis assez couillu pour te faire un enfant dans le dos en te regardant droit dans les yeux ? Sais-tu, Fournisseur, qui de nous deux aura le dernier mot quand tu te baisseras plus bas que ton prix ? Comme le paon fait la roue, Néné fait la course à la grosse quéquette et éloigne ainsi ses ennemis en affichant une simple fermeture Eclair d'à peine 8 centimètres.

La braguette de Néné c'est le lieu de toute communication délicate avec le petit personnel : un sujet sensible, une ineptie à imposer, une augmentation à refuser ? Pour faire passer la pilule, rien de tel qu'un grattage appuyé de la braguette sus-mentionnée. Pour décrire la scène : Néné debout devant mon bureau, me faisant face. Moi, la canine, assise, me retrouvant globes oculaires en alignement horizontal sur la braguette, pile poil. Evidemment dès 10 secondes de grattage, on préfère ne pas prolonger la conversation et obtempérer, plutôt que d'imaginer la faune morpionesque courir sur la bébête quinquagénaire et fripée. Reconnaissons l'efficacité du geste.

Enfin, la braguette de Néné, c'est le lieu de sa bonne santé. Il va ostentatoirement aux toilettes, débraguette bruyamment, pisse de toute sa hauteur à la Niagara falls. Et ressort. Ni chasse, ni lunette, ni lumière : on ne tire rien, on n'abaisse rien, on n'éteint pas : le pipi de Néné mérite d'être exposé, senti, honoré ! Et surtout, il ne rebraguette pas toujours... pour laisser aux autres la corvée de le lui rappeler. "Eh Néné, braguette !" Et là Néné, fort en métaphore et blague-à-toto rétorque quelque chose du genre : "eh eh, c'est que l'animal veut pas rentrer !" ou bien "eh eh, c'est qu'il faut prendre l'air de temps en temps... toi, ça a l'air de faire longtemps..."

Vous ne comprenez pas qu'on puisse être comme ça ?
... normal, faudrait pour cela que vous soyez doté de cortex-braguettex + cervellus-phallus, et c'est pas donné à tout le monde...
Beati pauperes spiritu (bienheureux les pauvres en esprit)


lundi 14 mai 2007

7 ~ NENE : Ta gueule (bis)

TA GUEULE NENE !
(ah, ça va mieux !)



> Acte libérateur : vous aussi, dites "TA GUEULE" à Néné !






6 ~ NENE : Ta gueule

Néné, quand tu mens,
Ta gueule !
Néné, quand t'as tort :
Ta gueule !
Néné, quand t'as rien à dire :
Ta gueule !
Néné, quand tu connais une blague :
Ta gueule !
Néné, quand t'es de mauvais poil :
Ta gueule !
Néné, quand tu t'es fait largué :
Ta gueule !
Néné, quand tu triomphes :
Ta gueule !
Néné, quand tu te sens victime :
Ta gueule !
Néné, quand tu picoles :
Ta gueule !
Néné, quand tu te drogues :
Ta gueule !
Néné, quand tu débarques au bureau le matin, quand tu rentres de déjeuner, quand t'as fumé tout ton paquet, t'as une haleine de sanglier et aucun être humain ne peut supporter ça :
Alors je te le redis une dernière fois :
Ferme-la !



Au cas où je me serais pas bien fait comprendre :

mercredi 18 avril 2007

3 * animisme à marseille > LE MARABOUT QUI VOULAIT ETRE MAIRE

SCIENCES OCCULTES :
BIENTOT A LA MAIRIE DE MARSEILLE ?


ELECTIONS MUNICIPALES 2008

MONSIEUR MASSILIA
MARABOUT ANIMAL ET MUNICIPAL
GRAND MEDIUM
VOYANT AUX DONS EXTRAORDINAIRES

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mercredi 11 avril 2007

5 ~ NENE : La nativité

Un jour j'ai dit : "Néné, je suis enceinte, avec [] on va avoir un bébé !". Preste et prompt, Néné m'a rétorqué : "Tu comptes le garder ?". Oui, moi aussi, à ce moment précis j'ai pensé que c'est sa mère à lui qui aurait dû avorter. Cela étant, j'ai couvé tranquillement, considérant néanmoins que ma petite portée avait une revanche à prendre sur Néné. Après mûres réflexions, j'ai opté pour un néologisme approprié. Ni méchant, ni grossier, juste imagé. Désormais, j'apprends à mes enfants que quand on se mouche le nez, c'est pour en faire sortir les nénés.



4 ~ NENE : Ca se passe comme ça chez Mc Néné

Néné,
T'es à l'humanité
Ce qu'un nuggets est au poulet.
Un truc qu'existe pas,
Ni cuisse, ni aile.
Un truc si bizarre qu'on préfère le paner.
Toi, t'es pané
Dans ton autosatisfaction.
Tu te roules dedans.
Même avec une sauce curry bien corsée
Je suis sûre qu'on sentirait encore ton goût
...Mauvais.
Néné,
T'as la consistance d'un pain à hamburger imbibé
La violence d'une frite trop salée
Le QI d'un sunday
Le charisme d'un coca noyé.
Mc Néné,
T'es un vrai clown, tu sais !




Le secret de longévité de la connerie de Néné ? Le même que celui des frites...

jeudi 5 avril 2007

3 ~ NENE : La petite beauté

Je ne vous en ai encore jamais parlé
Mais à défaut de se faire soigner
Néné aime à se soigner,
A faire sa petite beauté.
Après tout, même un petit patron étriqué
A le droit d’être coquet.
A titre d’exemple et pour illustrer cette vérité
Voici une situation vécue… à répétition.
Néné se coupe les ongles… en réunion.
Devant moi, ça va de soi
Devant les clients aussi, ébahis.
Armé de son coupe-ongle pointu,
Déjà il ne nous regarde plus.
On s’adresse à lui
Mais il n’est plus vraiment ici.
Quatrième dimension.
Attention…
Néné est au maximum de sa concentration.
C’est qu’il faut soigner la courbure
De la rognure.
Coup d’œil au public,
Comme avant une épreuve olympique.
Clac ! Il a appuyé d’un geste assuré
Et l’ongle s’envooooolllllllle.
Triple salto arrière, boucle piquée.
Et là, Néné fait une imposition des mains
Pour demander le silence et l’immobilité à chacun.
La tension monte, on retient sa respiration.
Comme dans une épreuve de javelot ou de poids
On suit la trajectoire
Avant de considérer le compétiteur méritoire.
Moi pendant ce temps-là,
Je prie pour que cet ongle déjà mort n’atterrisse pas sur moi.
Et le souci,
C’est que c’est souvent ainsi.
Ce qui me condamne à un contact physique malheureux
Avec le vieux dégueu.
Donc, si c’est le cas, Néné bondit sur moi,
Et s’empare de l’ongle accroché à mon pashmina.
D’un air satisfait, il dépose alors avec précaution le projectile calcique
Sur la table de réunion devenue autel à reliques.
Et ainsi on continue.
Et ainsi Néné ponctue.
Neuf autres sections ongulaires,
Minutieux rassemblage avec l’auriculaire.
Quand une coupure d’ongle semble se faire la malle,
Comble du comble de l’élégance mâle,
Néné tire la langue et humecte son majeur
Pour coller à son doigt l’ergot déserteur.
Retour au petit tas. Point barre.
Et Néné rayonne comme un phare.
Fier de sa production hebdomadaire.
Car quand il se taille les serres
Néné se rassure et constate
Que tout en lui est beau, des tifs à la prostate.
Il redécouvre ému et pensif
Qu’il y a de la jouissance à être productif.
Et pour tout vous confier
Je serais pas étonnée
Si je voyais un jour sur ebay
« A vendre : Ongles de Néné, lot millésimé ».

jeudi 29 mars 2007

2 * animisme à marseille > LA JETEE FREMISSANTE

Il(e) était une fois
Une érotique jetée
Qui, par des circonstances
De subtiles mouvances
Et de hasards tectoniques,
Soudain se retrouva : réfugiée politique.
D'inspiration pretty britannique.
Depuis, bien que frôlant l'horizon,
A sa surface, plus le moindre frisson.
Mue en île,
Elle se sent larguée, échouée, vile.
Loin de tout bled.
Damned.
Privée de tout espoir sensuel.
Bloody hell.
En manque de caresses,
Elle hurle sa détresse.
Sa voix rauque et chaude
Désormais accentuée
Jaillit le soir des profondeurs abîmées.
Elle tente le flirt de la dernière chance
Avec un vieux récif aux relents d'algue rance.
« Hey Cliff, mon doux, mon roc,
Rendez-vous at crépuscule
And please for goodness sake, do not hesitate :
Enchaîne-moi,
Attache-moi de ton collier d'écume
Et fais de moi
Your péninsule. »

jeudi 15 mars 2007

2 ~ NENE : La cécité

Néné est sensible.
Il a besoin qu’on l’aime
FORT.
Ceci étant dit
Voyons en quoi
Le défi s’avère
Sévère.
Néné est une plaie
Inapte au respect.
Un tel prédicat
Met haut la barre.
Moi finie la berne
En ce qui me concerne
J’affirme, j’assène
A corps perdu
Que Néné ne m’a jamais vue.
Pas pas regardée,
Je dis :
Pas vue.
Négligeable
Je ne fais qu’un avec la succursale.
Un tiers de jour
Cinq fois la semaine
Et pourtant
Il pourrait
Manifester une berlue
Et ne pas me reconnaître
Dans la rue.
Néné, enfin,
Je suis ton employée, ta salariée, ton assistante !
Voit toujours rien,
Ne voit que lui.
A croire
Que je suis derrière une putain
De glace sans tain.
J’ai beau la ramener,
Abuser de mon stabilo,
Coller moults post-it
Il ne sait pas que j’existe.
Je suis posée là,
Suis pas un mammifère,
Ni même un être vivant,
Juste un chien de céramique,
Chimérique.
Encore que c’est me donner beaucoup d’importance.
Souvent je pense
Etre une évanescence
Subtilement effacée
Derrière l’écran de veille
De Néné.
Alors quant à l’aimer
C’est difficile
Qui serait prêt à concéder
Un peu de sentiment
De pathos
A ce monstre à l’émotivité de blockhaus ?
J’ai renoncé
Aimer à mes dépens
Jamais, Néné !
Tu m’entends ?

mercredi 14 mars 2007

1 * animisme à marseille > LA MOUETTE QUI VOULAIT TRAVAILLER

Comme toute fille basique,
Indépendante et fière,
Je veux porter de l'acrylique,
Des talons, pas de plume.
Du mauve, et pas de blanc.
Me vêtir "classique" juste pour le faire croire
Ou vulgaire ostentatoire.
Mais pour gagner ces droits
Que chacun a, ici bas,
Ce serait bien qu'on m'autorise
A faire autre chose que les pare-brise.
Moi je veux bosser, mériter un salaire
Faire ma vie, la belle affaire.
Je me démène
Mais me heurte sans cesse
A un problème de nom, de faciès.
Oui je l'avoue, pour être honnête,
Je suis une mouette.
Mais au nom de quoi, de qui
Devrais-je me contenter
A vie pérenne
De ma cité aérienne ?
Là-haut je me sens seule, j'ai le vertige
Que des oiseaux, rien ne bouge, tout se fige.
Alors j'en brasse de l'air
Pour sortir de cette galère.
Mais toute mouette inspirée que je suis
Va-t-en gagner ta vie
Quand dans ta ville
T'es stigmatisée volatile.
Je suis capable d'autres choses,
J'y suis pour rien dans mon origine.
Pour des coordonnées citées
A ma candidature
On répond "no futur".
A chaque courrier
Je me fais sans appel
Couper les ailes.
Mon curriculum, oui, il détonne !
Mais je comprends pas qu'il affole
S'il te plaît : extrapôle
J'ai d'autres compétences que le vol.
Faut juste me donner l'opportunité.
J'ai pas l'air d'ici
Et pourtant j'en suis
Je traîne pas là en séjour touristique.
Et toi qui vends du rêve, de l'exotique
Tu ne m'embauches pas
Parce que ta clientèle aurait peur de moi ?
Te trouve pas des excuses,
Envisage-moi plutôt comme un oiseau rare
Un être à part :
T'en as beaucoup, toi, dans ton entourage
Qui en savent autant sur le plumage et les nuages ?
Donne-moi ma chance
Et tu verras
Qu'une mouette ambitieuse
Et racée
Fait autant l'affaire
Qu'une minette lumineuse
Standardisée "beaux quartiers".

mardi 13 mars 2007

1 ~ NENE : La punaise

Loin de moi l'idée d'insulter Néné.
J'veux juste parler de punaise.
C'est vrai qu'entre l'insecte qui pue quand on l'aplatit et Néné
Pourrait y avoir connection.
Mais bref.
Ce que je voulais dire c'est que Néné est un maniaque de la punaise.
Lui faut des boîtes de tous les calibres, couleurs, métaux.
Un vrai entomologiste.
Ce qui est con, c'est qu'il interdit les trous dans les murs,
Rapport à la caution du local qu'on pourrait perdre.
Régulièrement il me passe commande.
Et en 24h chrono faut que les punaises demandées
Soit livrées.
Celles qui ploient sous l'effort doivent être retournées et remboursées.
A 1,50 la boîte, t'as le droit d'être un peu gênée.
Surtout qu'au fond d'un tiroir qu'elles ploient ou pas
On s'en balance un peu.
Mais bref.
Retour à la connection.
Imaginons,
Si Néné un jour est aplati
(De services en renvois d'ascenseur
Un accident de monte-charge ça existe)
Dégagera-t-il une puanteur ?
Difficile de statuer sans risquer la diffamation,
Je préfère me méfier, des fois qu'en fait de punaise
Il soit plutôt du genre mouflette susceptible,
Prête à lâcher.
Par prudence donc
Je m'en tiendrais à ça :
Néné,
A défaut de te voir écrasé
J'opterai pour le crevé.
Je te sèmerai un jour, promis,
Ta collection sous les roues de ton van.
Et je me marrerai de te voir échoué dans le caniveau,
A pas savoir quoi faire de ton crick.
Je me fendrai la poire
Jusqu'à ce que tu m'envoies chez Norauto
Changer les 4 pneumatiques,
Déclaration de préjudice à l'assurance,
Consultation d'avocat,
Prospection de garde rapprochée,
Et autres bonheurs administratifs
Qui me feront rester plus tard,
Dans ce bureau-mitard.


0 ~ NENE : Le petit patron

Néné s'est fait homme et est devenu... mon patron
Je ne suis qu'une femme, toute crue prédestinée à devenir... son assistante.

Son boulot c'est sa vie / Mais son boulot c'est moi qui le fais.

J'écris ses courriers / Il rature
Je propecte honnêtement / Il paye des bitures
J'ai le chéquier / Il a la signature
Je monte des projets / Il inaugure.

Concluons que sans moi il ne serait rien / Il ne serait même plus patron d'ailleurs.

On me dit : où est le mal ?
Je réponds : là, ici bas.
Le mal est à la racine,
Racine carrée de son salaire
Egale le mien,
Jamais versé le 31, c'est mesquin.

Un peu de reconnaissance,
Un merci ?
Trêve de mièvrerie !
On est entrepreneur que diable !
Manquerait plus qu'on impose les "s'il vous plaît".
C'est que Néné est un puriste,
Il tient au français.
L'impératif existe en conjugaison
C'est bien pour l'usiter.

Ca y est, j'ai décidé,
Je vais quitter Néné.

Caché derrière son nombril
Il ne me voit pas venir.
A mon départ, j'aimerais le savoir
Perdu, largué, abandonné, ruiné,
C'est illusoire.
Et c'est lui faire concurrence sur les yeux bouchés.
Car lui, le connaissant
Je le sais capable face à cette nouvelle situation,
De se déclarer martyre
Et de finir, au terme de son chemin de croix,
Par se convaincre
Emerveillé
Que de patron il est devenu divinité.

ANPE, réseau,
2 mois plus tard,
Remis sur patte,
Néné s'est (re)fait homme et est devenu... TON patron.
Femme au chômage surdiplômée,
J'ai comme l'impression
Que tu vas payer pour tous tes pêchés !

0 * animisme à marseille > JE SUIS LE ROI

Je suis le roi. Je me hasarde hors de mon trou, en quête de miettes. Y'a urgence, faut agir avant la voirie, police des immondices. Bénis soient les jours de grèves, les hommes fluo qui font piquet, c'est banquet garanti. Aujourd'hui, ils bossent, faut faire fissa pour pas se voir imposer Carême. Ici pour partir en goguette, faut prendre des risques. La circulation est dingue, je traverse en vitesse, direction la benne... débordante. Ordures mal emballées, les marseillais me mâchent le travail : y'a pas à ouvrir, suffit de se servir. Mouches, sacs de couches, de bouffe, faut trier. Les dates de péremption font mon bonheur, tant de denrées jetées pour avoir passé l'heure. Le gâchis fait de moi un nanti au petit paradis du détritus . Mais dans cette ville, y'a de la concurrence sur la grapille. Les mouettes, et d'un. Mais ici même des humains ont faim. Quand l'estomac grouille, faut se résoudre à la fouille et la poubelle devient garde-manger. Et on s'y habille, on s'équipe, politique de la seconde main, la tête basse. Sous le regard des passants, plonger dans les épluchures et laisser se souiller sa dignité. Même moi qui y suis destiné, j'attends la pénombre pour venir manger. Je plains les humains d'en être arrivés là. Ce qui m'étonne encore c'est que je fais plus peur que ces gens-là. Les riverains s'accomodent, aveugles à la détresse de leurs congénères, ni chaud ni froid. Mais me croisant, ils bondissent, moi qui pourtant ai visa pour la poubelle devant l'éternel. Enfin, moi je me plains pas, j'ai biologiquement le vice de l'immondice. Je suis fait pour ça. Je suis le roi, le roi des rats.

Question de territoire & instinct de propriété

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